Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
oldgaffer
7 mars 2007

Euthanasie

L’euthanasie en vedette avec le procès de deux soignants et le manifeste signé par 2000 autres qui disent avoir aidé un malade à mourir en abrégeant ses souffrances. Tout cela pour demander une dépénalisation de l’euthanasie.

J’aurais pu signer ce manifeste. Je ne l’ai pas fait et ne le ferai pas. Il m’est arrivé d’abréger l’agonie d’un patient par un traitement sédatif sans lequel la « survie »aurait été probablement plus longue. Je l’ai même fait pour un de mes amis. Il avait à peine 40 ans. Nous étions trois médecins, tous liés par des liens d’amitié avec le malade, et nous avons sciemment décidé, ensemble, de calmer ses douleurs par un traitement sédatif qui a probablement accéléré sa fin. Nous avons même décidé de ne pas faire participer la famille à la décision, pour ne pas la culpabiliser en l’impliquant dans la démarche. Nous avons tous fait cela.

Je garde en mémoire ce quinquagénaire breton hospitalisé dans mon service, il a plus d’un quart de siècle. Son cancer était généralisé, il était à peine conscient et respirait à grand peine tant le cancer avait envahi ses poumons. Il souffrait. Une jeune infirmière m’a suggéré de lui faire une injection de morphine pour le soulager. Je lui ai dit :
- D’accord, mais vous avez plus d’une chance sur deux de le tuer.
- Il ne faut pas le faire alors ?
- Si. Je crois que vous avez raison. Il faut le faire. En sachant qu’il va certainement en mourir.
Le patient est mort dans l’heure qui a suivi la morphine. L’important était que l’infirmière ait pris conscience avant de la portée de son geste, que j’ai prescrit bien sûr, ce n’était pas à elle de le décider.

Un autre souvenir pénible : un de mes collègues et amis (encore un !) mourait sur un lit d’hôpital d’un cancer généralisé. Mais je n’étais pas son médecin, j’étais juste un ami qui lui rendait visite. Il avait une pompe à morphine dont il réglait lui-même le débit selon sa douleur. Je voyais qu’il souffrait et lui demandais pourquoi il n’augmentait pas le débit de la pompe.
- Parce que ça me fait dormir. Le peu de temps qui me reste à vivre, je veux être conscient et lucide.
Il n’a jamais été question bien sûr d’abréger sa souffrance.

Sur un plan « législatif », je suis contre une « légalisation » de l’euthanasie active, choquante par essence, même avec le consentement éclairé du patient et des proches. La dérive vers le suicide légal assisté serait inévitable. C’est pour ça que je ne signerai pas ce genre de manifeste. On a vu, dans le même ordre d’idée, comment la loi Veil sur l’avortement, pourtant généreuse, faite pour faire face à des situations de détresse, a engendré une dérive inacceptable vers un mode de contraception de dernier recours. 

Je pense que les comportements d’accompagnement tels que je les décris plus haut, qui ne sont pourtant plus, il ne faut pas se voiler la face, de l’euthanasie passive dans la mesure où les morphiniques et les sédatifs utilisés raccourcissent la vie, méritent une indulgence de la part de nos juges. Mais je ne suis pas sûr qu’il faille bâtir un texte de loi pour ça.

Je vais être clair sur certains principes : le soignant qui tue un patient par une injection de chlorure de potassium intraveineux doit être poursuivi pour homicide volontaire, quel que soit le contexte. Cette attitude n’est pas acceptable. Ce n’est pas du jésuitisme que de distinguer cela des traitements morphiques ou sédatifs que j’ai cités. L’esprit est totalement différent. Ce ne sont pas des gestes de même nature. D’un côté on tue froidement, de l’autre on soulage en acceptant que cela tue, même si j’admets qu’il n’est pas facile, sur un plan sémantique, de définir une frontière précise au sein de toutes les attitudes intermédiaires entre les deux comportements.

Alors n’en définissons pas. Ne légiférons pas. Si notre justice garde un certain bon sens (vœu pieux…), une jurisprudence se dessinera d’elle-même, qui fera la part des choses entre les meurtres au potassium ou à l’insuline et la sédation aux conséquences mortelles.

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Mon cher Claude<br /> Bien reçue ta réponse à mon mail,cela m'a beaucoup touché,et je t'en remercie.<br /> J'ai admiré et apprecié,la beauté de l'Ecosse à travers tes prises de vues.<br /> Avec l'eau de mer qui coule dans tes veines,font de toi un veritable GLOBE-TROTTEUR.<br /> Mon bon souvenirs à ALINE.<br /> Avec tout mon affèction fraternelle.<br /> Léon
Répondre
F
Comme c'est bon de lire des propos aussi mesurés que sensés!<br /> Et comme ils reflètent exactement ma pensée (je suis infirmière),je les apprécie d'autant plus.<br /> Quant à votre parallèle avec la Loi Veill;je n'y avais jamais pensé mais comme il est juste!<br /> Je me replonge dans la découverte de votre blog,bon vent!
Répondre
P
"il ne faut pas se voilier la face,"<br /> Lapsus révélateur de qui a écrit ce texte. <br /> Une fois de plus, tu dis ce que beaucoup pensent tout bas: arrêtons de légiférer à torts et à travers, laissons faire le bon sens et l' "humanité" du personnel soignant et des familles. Les dérives arrivent tellement vite quand les hommes se sentent protégés par la loi, l'exemple de l'avortement comme mode de contraception est bien choisi. Certaines femmes prennent leur contraception à la légère car l'avortement est légale. Je connais au moins 2 personnes qui par insouscience y ont eu plusieurs fois recours dans la même année, avortements pratiqués par le même médecin "complice". Où comment vider une loi de son sens...
Répondre
oldgaffer
Publicité
oldgaffer
Archives
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 409 927
Publicité