L'abbaye de Saint-Hilaire

Une précision d'abord. L'abbaye désigne la communauté, hommes et bâtiments. L'église de l'abbaye s'appelle l'abbatiale. Cette abbaye bénédictine soit son renom au sarcophage sculpté par le Maître de Cabestany. Il s'agit d'un sculpteur anonyme du Moyen-âge. En ce temps-là l'art sacré ignorait l'orgueil de la signature de l'artiste qui n'est apparu qu'à la Renaissance. Son type de sculture caractérisque a permis de reconnaître sa patte dans de nombreux endroits. Le premier est à l'église de Cabestany, à côté de Perpignan, d'où le nom donné au sculpteur. Ses personnages ont de grandes mains, des yeux très expressifs soulignés par des trous de trépan. Mais l'abbaye c'est aussi à Saint-Hilaire un très beau cloître, même si les chapiteaux sont ordinaires et une plafond peint très étrange.

Saint-Hilaire se situe à l'est de Limoux, en plein domaine de l'AOC Limoux et nous en avons profité pour visiter une cave et faire quelques acquisitions. Rappelons que la méthode traditionnelle, dite de façon apocryphe "champenoise", a été inventée par les moines de Saint-Hilaire, dans cette abbaye et que la méthode de fabrication du champagne, que l'on doit à Dom Pérignon, n'est qu'un copier-coller de celle de la blanquette qu'il a reprise. Une bonne blanquette vaut mieux que plus de la moitié des champagnes et elle coûte trois fois moins cher. Le producteur que nous avons rencontré (Madame Robert, domaine FOURN) nous dit qu'elle exporte la majeure partie de sa production. Les mérites de la blanquette semblent mieux reconnus outre Atlantique que chez nous.

Ci-dessous, le fameux sarcophage qui retrace la vie de Saint-Cernin.

Sur la face latérale gauche, on voit son ensevelissement, et son âme qui s'échappe de son corps sous la forme d'un enfant qu'un ange va recueilleir, un peu comme dans le tableau du Greco, l'enterrement du Comte d'Orgaz, dont j'ai parlé ici même lors de mon voyage à Tolède. On ne voit pas cette scène sur ces photos. Sur la face latérale droite, qu'on devine sur une photo plus bas, on retrace ses années de prédication. La face antérieure voit son supplice, il est attaché à un taureau que l'on aiguillonne, ce qui ne l'empêche pas de bénir deux femmes sur son passage. L'indignité des soldats romains est illustrée par les animaux monstrueux qui apparaissent entre leurs jambes. Des femmes regardent à la fenêtre et un acrobate sur une corde (en haut et à droite) interrompt son exercice pour regarder la scène.

Détail amusant, cet échiquer sculpté dans le pourtour du cloître :

Le plafond peint :

Détail anecdotique sur ce mur, dans la catégorie du 'n'importe quoi". Un hommage a été rendu à tous les abbés recensés par l'histoire, avec la reproduction de leur blason au mur, par ordre chronologique. Le problème est que les blasons sont apparus sous Philippe-Auguste. Pour les abbés antérieurs, le peintre a donné libre cours à son imagination. Pourquoi cette croix camarguaise amputée de son coeur pour le premier et plus ancien d'entre eux?

Que fait dans une abbaye cette scène érotique aux étuves?

Et cet homme qui montre son cul, regarde par derrière entre ses jambes et semble péter?

Le cellier où naquit la blanquette de Limoux. Les tonneaux sont malheureusement vides.

Comments

[Lise]

Merci pour votre article, non dénué d'humour. Pour le plafond peint de la salle capitulaire, ce n'est pas le plus important de l'abbaye, bien que ce soit le plus spectaculaire. Le cote fortifié, au sud-ouest de l'abbaye est a mon sens, plus important historiquement. Merci aussi pour vos photos