J'ai commencé à écrire enfant. Mon imagination débordante se transmettait à mon porte-plume (je suis de la génération plume sergent-major). J'ai perdu tous les écrits de cet époque, ils ne valaient pas la peine de survivre au temps qui passe.

Je me suis mis sérieusement à l'écriture au milieu des années 80. Je participais à Lyon à une réunion d'Amnesty International - j'étais membre de la commission médicale d'AI - sur la torture, avec la participation de médecins basques parlant de la répression policière sur les indépendantistes. Ils ont expliqué qu'on résistait mieux à la torture en s'accrochant à une idée fixe.

Notre réunion, qui durait deux jours et demi, s'est terminée un matin. À midi, j'étais dans un café en face de de Lyon-Perrache, mon train pour Dinan où j'habitais alors était à 23H. J'avais du papier et un stylo, j'ai acheté l'Express. À l'époque j'étais chef de service de médecine à l'hôpital de Dinan. Dans l'Express, deux offres d'emplois. Servier cherchait un directeur scientifique pour l’Amérique du Sud, Lafon cherchait un responsable des recherches cliniques. J’ai répondu aux deux. Et là j’ai vécu une expérience unique dans la vie d’un demandeur d’emploi. Tous deux ont jeté leur dévolu sur moi. Je les ai mis en concurrence, et j’ai posé mes conditions. J’ignorais à l’époque ce qu’était réellement Servier et je suis heureux d’avoir échappé à ce monstre de manipulation et de falsification avec des soutiens publics à jamais occultés. J’ai fait croire à Lafon que je démissionnais alors que je prenais une disponibilité de trois ans pour études et recherches d’intérêt général. Je suis parti trois ans à Maisons-Alfort au centre de recherches Lafon avant de revenir vers les hôpitaux, à la Seyne sur mer.

Un manuscrit est né ce jour-là dans ce café de la gare. Il est toujours, remanié, transformé, dans mes tiroirs et mes disques durs. Il s'agissait un marin arrêté arbitrairement lors d'une croisière, emprisonné et torturé, qui se raccroche à une idée fixe pour résister. Il fut refusé partout. Il en fut de même du suivant, écrit lui aussi pendant mon expérience dans l'industrie pharmaceutique.

En 1988, un premier voyage en Toscane associé à ma vieille passion pour les labyrinthes, donna naissance à ce qui deviendra mon premier livre publié : "Le Labyrinthe des Alchimistes". Je soumets le manuscrit à plusieurs éditeurs dont Robert Laffont. je reçois un courrier d'un conseiller littéraire de cet éditeur me disant "votre manuscrit n'est pas véritablement au point mais nous pensons que vous êtes un auteur". Je suis invité à prendre contact, je vais à Paris, je rencontre le conseiller qui me guide sur le travail de restructuration de mon manuscrit. Quelques semaines plus tard je le lui envoie. Avis favorable, avis favorable du comité de lecture de l'éditeur, le conseiller au téléphone me dit "il manque juste l'accord de Robert Laffont" et puis c'est OK.

Patatras, Robert Laffont refuse de publier le texte, contre l'avis de son comité de lecture. C'est pire qu'un chagrin d'amour.

Le conseiller désavoué tente de me consoler en me disant qu'il a des contacts avec d'autres éditeurs et qu'il va leur transmettre mon manuscrit avec sa recommandation, je n'y crois pas et je reste avec mon chagrin d'amour.

Le samedi 26 janvier 1991, ma fille cadette Diane entre dans notre chambre en disant :

- Bon anniversaire Papa. Au fait un éditeur a appelé hier soir, il veut que tu le rappelles.

C'était François Bourin, qui à cette époque publiait notamment Michel Serres.

Je rencontre François peu après. Nous déjeunons dans un restaurant de la place de la Fontaine Saint Michel, près de ses bureaux. Et il me dit :

- Vous avez lu René Guénon?

En fait c'était plus une constatation qu'une question, ça devait se voir à la lecture du texte.

"Le Labyrinthe des Alchimistes" sera publié au printemps 1992. Ensuite j'ai écrit "le Chemin de Bagdad" publié en 1994, chez Julliard dont François avait pris la direction. Il partit ensuite chez Flammarion où je tentais de le suivre avec un manuscrit sur l'histoire des peuples nomades, qu'il me demande de travailler, mais entretemps il se fait virer de chez Flammarion où l'on me fait comprendre quand je reprends contact avec mon manuscrit au point que les poulains de François ne sont plus les bienvenus.

Le Labyrinthe des Alchimistes a obtenu le prix du premier roman Air Inter au salon du livre de Bordeaux 1992 et le prix Littré 1993. Le Chemin de Bagdad le prix "L" de l'Aventure au salon du livre de Limoges en 1994 devant nombre d'auteurs bien plus en vue. Je rate de peu le prix des relais H attribué à Yann Queffélec à égalité de voix mais la voix du président du jury était prépondérante.

Plus de vingt ans après, je n'ai jamais cessé d'écrire. Mes manuscrits s'entassent dans mes tiroirs et mes disques durs. J'en envoie de temps en temps quelques uns à quelques éditeurs et je me prends des rateaux.

Mon testament philosophique, "Contrecourants", vingt ans au moins de travail, est refusé partout, je finis par l'autoéditer sur amazon. N'hésitez pas à l'y commander! Je vais y éditer de la même façon le dernier livre que j'ai écrit, "Mémoires d'un caducée", également refusé partout.

François Bourin a relancé sa maison d'édition originelle, et je lui ai soumis "Mémoires d'un caducée" au printemps dernier. Il l'a refusé. Me souvenant de sa phrase sur Guénon lors de notre première rencontre, je lui ai envoyé "Contrecourants". Il me répond par mail : "J’ai lu avec grand intérêt "Contrecourants", mon attachement à René Guénon restant très vivace. Tout ce que vous dites est passionnant, mais ce livre n’est pas pour moi aujourd’hui, la maison ayant une ligne éditoriale plus sociétale et plus contemporaine."

Dans un mail suivant il me demande s'il existe un biographie intellectuelle de René Guénon. Puis il m'écrit : "Merci beaucoup pour ces renseignements sur René Guénon. Je suis d’accord avec vous sur le fait qu’une biographie intellectuelle de René Guénon reste à écrire. La question alors est de savoir qui pourrait l’écrire. Vous ?"

Devinez ce que j'ai répondu.

Alors je retourne au boulot! Je me suis aménagé un joli petit coin de travail pour écrire.

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Depuis la Covid est passée par là, le confinement, et François Bourin, à la fin du confinement, a quitté définitivement le monde de l'édition, ne pouvant pas donner suite à notre projet.

Aujourd'hui, un nouvel éditeur est intéressé. Chut pour le moment!