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15 septembre 2020

Le délire écolo selon Jean de Kervasdoué

Bien vu

Paru dans Le Point

Kervasdoué – Ces mesures « écolos » qui accroissent les inégalités sociales

CHRONIQUE. Certaines mesures défendues par les écologistes n'ont aucun effet bénéfique sur l'environnement. Pis, elles pénalisent les classes populaires.

Parc d'eoliennes et terres agricoles pres du village de Saint-Felix-Lauragais.
Parc d'eoliennes et terres agricoles pres du village de Saint-Felix-Lauragais.
Parc d'éoliennes et terres agricoles près du village de Saint-Félix-Lauragais. © Philippe Roy / Philippe Roy / Aurimages via AFP

Le genre humain ne peut ignorer le monde dans lequel il prospère et assure sa descendance. La Terre doit accueillir les générations futures dans un environnement préservé, et tout spécialement en France, pays divers, riche et prospère. Et il ne s'agit pas de se limiter aux seules conditions matérielles de survie des habitants de demain, mais aussi d'entretenir[1] la beauté des paysages et de préserver l'extraordinaire diversité de la vie animale et végétale.

Les préoccupations environnementales sont donc essentielles pour l'avenir de notre pays et de la planète, encore faut-il que les politiques soient fondées, efficaces et rationnelles. Tel n'est pas le cas de nombreuses mesures qui camouflent un projet révolutionnaire dont la stratégie se dévoile peu à peu. Elle consiste à nourrir le ressentiment des milieux défavorisés en prônant des mesures qui pèsent sur leur revenu disponible et sur leurs emplois.

Aussi, les rapprochements entre les partis de gauche et les différentes mouvances de l'écologie politique ne cessent de surprendre leurs sympathisants de longue date. Cette raison immédiate n'est de surcroît pas la seule, car, plus fondamentalement encore, si la gauche se voulait être du cœur, elle était aussi celle de la raison. Or, depuis au moins trois lustres, la raison semble avoir changé de camp. Quant au cœur, il est aisé d'être généreux avec l'argent des autres.

Les uns conçoivent, les autres payent

La goutte d'eau qui a, pour la première fois, fait déborder le vase fut un ensemble de mesures touchant à la circulation automobile dans le réseau routier : limitation de vitesse sur les routes nationales à 80 km/h, augmentation du prix du gasoil et taxe sur les moteurs diesel, prétendument cancérogènes. Il déclencha le mouvement « des Gilets jaunes ». Dans ces colonnes, nous avons déjà analysé les conditions de l'éventuelle dangerosité de ce moteur ; réaffirmons encore que les moteurs diesel ont toujours un meilleur rendement que les moteurs à essence (de 15 % à 25 %) et donc, pour une même distance parcourue, ils rejettent moins de gaz carbonique[2]. En outre, sans caricaturer les recherches récentes, il semble que le rejet de particules fines dans l'atmosphère des motorisations essence ou diesel des véhicules actuels se vaut. Quant à l'exposition globale des populations à un air pollué, elle baisse fortement dans les grandes agglomérations, n'existe pas sur les routes de campagne et n'est en aucune façon à l'origine des prétendues 48 000 morts, ce qui représenterait 60 % de plus que le tribut payé par les Français au Covid en ce début septembre ! Si c'était le cas d'ailleurs, pourquoi aurait-on fait si peu pour prévenir une telle hécatombe ?

Plusieurs ouvrages ont analysé le fossé qui s'est creusé en France entre les habitants des centres urbains et ceux de la « périphérie »[3] ; les uns conçoivent, les autres payent, d'où leur révolte. Le mode d'expression des Gilets jaunes, leurs manifestations désordonnées, parfois festives, souvent violentes, évoquaient l'agitation de mouches prisonnières d'un bocal et qui cherchent désespérément une sortie. Ces Français au revenu moyen ou faible se sont effectivement sentis piégés. Ils ne comprennent pas pourquoi, avec le maintien de leur salaire, leur pouvoir d'achat baisse. Ils ignorent les raisons du déluge d'interdits qui les inondent et qui, avec une parfaite continuité, ont été imaginés par les partis de gouvernement, prétendument pour leur bien. Ils n'ont plus, comme autrefois, un nom de famille à mettre sur les entreprises qui les emploient et, un jour, les condamnent au chômage. Remarquons que cette continuité des partis de gouvernement explique vraisemblablement pourquoi ce mouvement n'a pas trouvé de débouché politique, personne ne l'a récupéré et ceux qui ont tenté de le faire n'ont pas été suivis.

Bien avant l'augmentation du prix du gasoil, la baisse des revenus disponibles est intervenue à cause de l'envolée du coût de l'électricité. Pour le constater, il suffit de prendre une facture récente. L'ensemble des taxes diverses représente environ 33 % du montant total, dont 15 % pour la seule CSPE (contribution au service public de l'électricité). Or, cette CSPE a pour rôle de décarboner des sources qui le sont déjà et donc de remplacer le nucléaire par l'éolien et le photovoltaïque, puis le charbon par le gaz, pour les plus grands bénéfices de ses fournisseurs. Ainsi,Barbara Pompili précise qu'il s'agit « de rééquilibrer un mix décarboné, afin de le rendre plus résilient. C'est-à-dire : remplacer une partie du nucléaire par des énergies renouvelables et des économies d'énergie ». Il est paradoxal de payer pour ne pas consommer un bien, en l'occurrence l'électricité. Par ailleurs, la baisse de la consommation d'une électricité déjà décarbonée n'aura, par définition, aucune influence sur le rejet de gaz carbonique. Dans ces conditions, en quoi des énergies coûteuses, intermittentes, fortes consommatrices d'espace et plus dangereuses, comme c'est le cas de l'éolien et du photovoltaïque, sont-elles plus « résilientes » que le nucléaire ? Où sont les preuves de cette affirmation, alors que tout démontre l'inverse ? Ne faut-il pas chercher la raison de cette déraison dans les dogmes de l'écologie politique dont le premier commandement demeure « le nucléaire, tu banniras » ! Mais pourquoi les Français payeraient-ils pour cette croyance qui en outre favorise les industries étrangères qui fournissent éoliennes et panneaux photovoltaïques ?

Le marketing du « bio »

Il en est de même des aliments « bio », dont il n'a jamais été démontré qu'ils étaient meilleurs pour la santé, en revanche, ils sont de 35 % à 50 % plus onéreux. On peut être partisan des produits de saison et, si possible de proximité, mais aussi d'une agriculture qui soit raisonnée et non pas un mélange de magie et de sorcellerie comme la biodynamie. On doit être contre la malbouffe, mais le marketing du « bio » ne se comprend que parce qu'il existe de puissantes industries qui trouvent dans cette croyance un marché et des marges, et prospèrent grâce à la méconnaissance de l'agriculture et de l'alimentation chez la majorité des urbains.

Il faudrait ajouter enfin les abonnements à Internet et, au-delà du coût des abonnements, la perte de contacts humains, la difficulté de gérer des procédures électroniques, l'attrition du rôle social de la poste, un territoire non couvert à 100 %…

Plus indirect, mais tout aussi coûteux, est l'entêtement de notre pays à bâtir des règlements sur des produits et non pas sur leurs usages. Ainsi, la production de bisphénol a été interdite en France, ce qui s'est traduit par une baisse de deux milliards d'euros de production industrielle, mais la France importe de nombreux produits utilisant cette substance fabriquée ailleurs en Europe. L'interdiction législative, et non pas réglementaire, de l'usage des néonicotinoïdes manque pour le moins de souplesse et conduit le Parlement à débattre de nouveau de ce produit pour voter une nouvelle loi et madame Pompili à avaler son chapeau. Tout cela n'est qu'une partie émergée d'un iceberg monumental qui, plus que le coût de la main-d'œuvre, conduit à délocaliser la production industrielle et agricole française, et à accroître le chômage.

Quant au gigantesque programme d'économies d'énergie par isolation des bâtiments, il est nécessaire et justifié. Rappelons cependant qu'il existe depuis 2002, mais qu'il a peu d'efficacité, car les propriétaires ne veulent pas payer pour leurs locataires qui payent leur chauffage. À ce stade, il est évident que l'isolation des bâtiments va bénéficier de manière prioritaire aux plus favorisés, propriétaires de leur logement, aux habitations plus vastes et mieux chauffés. Les économies dites « vertes », tout au moins celles-là, ne réduisent pas les inégalités sociales, bien au contraire, elles les accentuent, même si elles sont techniquement justifiées.

On peut donc s'étonner de trouver à la gauche de la gauche, dans les mesures phares du candidat de La France insoumise aux dernières élections présidentielles, monsieur Mélenchon, une électricité 100 % renouvelable et une agriculture « paysanne ». La première mesure est techniquement impossible, à moins d'accepter un black-out les nuits sans vent[4] ; quant à la seconde : l'agriculture « paysanne », elle serait certainement moins productive, augmenterait donc fortement le coût de l'alimentation et utiliserait plus d'espace pour nourrir la population, au prix d'un recul de la biodiversité. La haine des riches ne garantit pas le bien-être des pauvres. Quant aux écologistes politiques, ils illustrent une fois encore que la peur et la raison ne font pas bon ménage.

Pourquoi les partis de gauche ont-ils sacrifié la raison à la mode écologique qui, à l'évidence, en manque ? La seule hypothèse serait que leur projet véritable soit la décroissance et que le moyen de parvenir au pouvoir fût la révolte des déshérités, lassés de payer le prix des croyances infondées et des mesures déraisonnables.

À ce stade, on ne peut que constater que les prétentions sociales des mesures dites « écologiques » restent à démontrer, tant elles accroissent les inégalités tout en étant, pour beaucoup d'entre elles, inefficaces. Au cours du XXe siècle, de très nombreuses analyses ont pointé les méfaits d'un capitalisme sans limite. Il serait temps d'en faire de même pour l'écologie.

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