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4 mars 2021

Comment vider les prisons?

 

Pierre-Marie Sève de l'IPJChers amis,

Récemment, je naviguais sur le site de l’IPJ. C’est un peu faire notre propre pub, mais ce site est une mine d’informations sur le sujet Justice-Insécurité. Tout ce que l’IPJ a fait depuis 2007 y est.

Je remarquais qu’un de nos articles était parmi les plus visités. L’IPJ avait été interviewé sur un sujet … insolite !

Ce sujet était celui des Pays-Bas qui fermaient une à une leurs prisons.

C’est vrai, les Pays-Bas manquent de détenus. La prison Koepelgevangenis (toutes mes félicitations à ceux qui ont réussi à prononcer ce mot du premier coup) n’est plus une prison mais accueille désormais des résidents de classe moyenne dans des appartements avec petit jardin.

Une autre ancienne prison à Amsterdam, la Het Arresthuis, est devenue un hôtel 4 étoiles et la prison De Koepel à Harlem a été transformée en centre d’accueil pour migrants... 

Et il en reste ! Les Pays-Bas louent même des places de prison à la Belgique et à la Norvège.

C’est bien simple, les Pays-Bas ont diminué de moitié leur nombre de prisonniers en 15 ans. Ils ont donc la moitié de leurs prisons qui ne servent à rien. 

Une criminalité en berne

La raison ? Une baisse sans précédent de la criminalité. En effet, entre 2008 et 2015, les vols ont baissé de 30% (alors qu’en France, ils ont augmenté de 27%), les agressions sexuelles ont diminué de 28% (alors qu’ils ont augmenté de 45% chez nous).

Les Pays-Bas auraient-ils déployé l’armée dans les rues ? Auraient-ils été envahis par des aliens qui empêcheraient les délinquants de sortir de chez eux ?

Que nenni ! Ils ont simplement mis en place une politique pénale audacieuse qui a eu pour réel effet de diminuer la délinquance.

Rationnellement, il ne peut y avoir que deux raisons à cette baisse de la criminalité :
  - soit les Pays-bas ont mis en place un système très laxiste et ont décidé de ne plus mettre les délinquants en prison.
  - soit les Pays-Bas ont été tellement fermes que leur fermeté a eu un effet dissuasif sur l’ensemble des délinquants.

En fait, ils ont trouvé une solution intermédiaire, une solution pragmatique. Une solution pour laquelle l’IPJ se bat depuis des années.

Une solution presque magique

Cette solution est simple et encore une fois c’est précisément sa simplicité qui effraie nos décideurs politiques. Elle se résume en 2 mots : des peines courtes mais certaines.

C’est un principe qui devrait être le B.A.-ba de nos ministres de la Justice et qui avait été énoncé par le créateur de la criminologie, au 17ème siècle, Cesare Beccaria : « La certitude d’une peine, même modérée, fera toujours plus d’impression que la peur d’une autre, même plus terrible, mais qui serait souvent inappliquée ».

Ce principe est la base de la base de la criminologie.

Une méthode qui fait ses preuves

Comme vous le voyez, les Pays-Bas n’ont pas inventé l’eau chaude. Ce principe est connu depuis des siècles et il avait été mis en application dans une expérience très intéressante que je vais vous raconter.

Elle se passe à Hawaï, île américaine paradisiaque dans le Pacifique. Steve Alm est un juge à la Cour supérieure de l’île. 

En tant que juge, il a notamment pour mission de révoquer les sursis pour les consommateurs de drogue lorsqu’ils ont recommencé à prendre des drogues.

Steve Alm remarque que souvent les agents en charge du suivi des toxicomanes sont très tolérants et ne demandent la révocation du sursis qu’après beaucoup de rechutes.

Connaisseur de Beccaria et pourvu d’un peu de bon sens, Steve Alm imagine un programme qu’il baptise HOPE (comme « espoir » en anglais).

Il décide de prendre les choses à l’envers. Lorsqu’on se montre tolérant avec eux, les toxicomanes ont l’impression, dans leur inconscient, qu’ils pourront toujours s’en tirer, ils ont moins de scrupules à se droguer à nouveau.

Dans le programme HOPE, tous les consommateurs de drogues seraient testés deux fois par semaine pour la moindre trace de drogue dans leur corps. 

Le juge a convoqué chacun des participants au programme pour bien leur expliquer les règles. 

Au moindre écart, ils seraient envoyés en prison pour quelques jours, et non plus, comme avant, au bout du énième écart. 

Leur test est positif ? Prison. Ils manquent un rendez-vous avec le juge ? Prison. Cela peut sembler dur, mais c’était le jeu et il fallait l’accepter.

Des résultats renversants

Les résultats ont été… fantastiques. Jamais un programme n’avait permis à autant de drogués de se sortir de la drogue. 

Près de la moitié des participants n’a plus JAMAIS été testé positif. Et un quart additionnel s’en est sorti après 1 séjour en prison. 

Cela peut sembler peu, mais pour des personnes accros aux méthamphétamines, c’est extrêmement difficile de s’en sortir et voir 75% d’entre eux s’en sortir, c’est extraordinaire.

Ses résultats sont tellement remarquables que ce programme a depuis été repris dans près de 26 États américains.

Cette méthode fonctionne car elle est basée sur la psychologie humaine. Tous ceux qui ont eu affaire à des enfants le savent : pour un enfant, il faut être prévisible et constant dans sa punition. Pour les délinquants, c’est pareil.

Retour à la réalité française

Retour à la réalité française. En France, nos prisons sont gérées comme un pays du Tiers-monde.

Nos prisons débordent et on utilise la méthode simpliste et court-termiste de faire attendre les prisonniers en file indienne.

Concrètement, une personne condamnée à de la prison ferme attend en moyenne 9 mois avant de mettre un pied en prison.

On multiplie les remises de peine, les peines alternatives aux prisons, alors que c’est précisément ces mesures qui détruisent tout effet dissuasif de la prison.

Pour aller en prison en France, il faut vraiment le vouloir : soit avoir commis un crime très grave, soit avoir épuisé la patience des juges et avoir la chance qu’une place de prison soit libre à ce moment.

Quand je dis que la France est gérée comme un pays du Tiers-monde, je le dis parce qu’il suffirait de mettre en place des solutions aussi simples et connues que celle de Cesare Beccaria pour améliorer clairement les choses.

Pourquoi cela ne se fait pas ? Parce que nos juges sont idéologiques, politisés (ils n’ont certes pas toujours assez de moyens), et parce que nos politiciens sont empêtrés dans la communication et le réseautage, qu’ils manquent de courage. Ils n’ont donc pas le temps de penser au pays.

Avec tout mon dévouement,

Pierre-Marie Sève
Délégué général de l’IPJ 

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