Islam : guerre ou paix?

Depuis déjà longtemps, mais cette polarisation de l'opinion s'est accentuée depuis les derniers évènements, le discours sur l'Islam oscille entre deux extrêmes, tous deux faux, entre lesquels on peut faire varier le curseur sur un champ d'avis intermédiaires infini.

1/ L'Islam est une religion de paix, la majorité des musulmans est pacifique. La radicalisation d'extrémistes dangereux ne doit pas conduire à l'amalgame.

2/ L'Islam est par essence violent. Le djihad est le devoir de tous les fidèles, c'est écrit dans le Coran. La violence de ce texte est le germe de la violence de l'Islam.

Pour le premier point, une première correction a été remarquablement écrite par Jean-Pierre Denis dont j'ai reproduit le texte in extenso ici-même il y a une semaine. Je reprends le paragraphe concerné :

"l'islamisme n'a rien à voir avec l'islam". Je suis certain que la majorité des musulmans de France vit ces événements avec horreur et je ne vois autour de moi que des musulmans que ces crimes révoltent. Je viens d’apprendre que dans l’HyperCacher un musulman malien avait caché des juifs et risqué sa vie pour eux. Je me sens souvent plus proche de musulmans croyants que de personnes vides de toute croyance. Je me sens en empathie avec tous nos compatriotes qui rasent les murs ou sont victimes du délit de sale gueule par ce que musulmans ou d’origine musulmane ou parce qu’ils ont un patronyme d’apparence musulmane. Je pense que le cardinal Tauran a raison de dire qu’il ne faut pas « parler aux musulmans », autrement dit faire la leçon, mais « parler avec les musulmans », autrement dit se parler en frères.

Mais je sais qu’il y a des jeunes qui font en ce moment le « v » de la victoire, qu’il y a des collèges où l’on n’a pas pu observer la minute de silence, qu’il y a des gens qui disent que Charlie Hebdo l’a bien mérité. Et je pense qu'au delà des troubles d’identité contemporains, au fond, dans son discours de Ratisbonne, Benoît XVI n'avait pas complètement tort, qu’il y a dans l’islam un grave et ancien problème à résoudre, et que les musulmans et eux seuls peuvent le résoudre en le prenant à bras le corps, pas en le niant. En un mot, je ne vois pas comment un médecin peut soigner un cancer s'il pense que la tumeur « n’a rien à voir » avec le corps qu’elle ronge et qu’elle menace de détruire. Et je suis certain qu’on n’en sortira pas tant que dans les pays musulmans on ne sera pas horrifié à l’idée même sanctionner l’apostasie et le blasphème par la peine de mort et tant que l’on n’admettra pas, par exemple, qu’un Kabyle puisse devenir protestant, qu’on puisse célébrer la messe en Arabie Saoudite, qu’on a le droit d’être athée partout où on veut.

L'image de la tumeur qu'on ne peut pas dissocier du corps qu'elle envahit est très signifiante. Amalgame est très à la mode en ce moment, mais à force de refuser, sous prétexte de ne pas faire l'amalgame, de considérer l'ensemble du monde musulman pour ce problème, les cellules cancéreuses vont faire l'amalgame toutes seules en remplaçant peu à à peu toutes les cellules saines. Le cri d'alarme des enseignants sur la radicalisation des élèves l'illustre très bien. On ne peut plus dire qu'il y a d'un côté l'Islam modéré et de l'autre, de façon indépendante, l'Islam radical.

Pour le second point, il ne faut pas ignorer le sens du mot Djihad, la guerre sainte. voici un extrait du chemin de Bagdad (Julliard 1994) où je fais dire à mon personnage qui débat avec un imam dans une mosquée à Fès au XIIè siècle la chose suivante :

L'interprétation stricte faite dans l'Islam radical du djihad comme guerre contre les infidèles oublie le sens principal que ce mot doit avoir. C'est à rapprocher d'une phrase de l'Evangile (Matt. 10, 34) où le Christ dit : "Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive". Cette phrase a servi d'alibi à nombre d'inquisiteurs et aux conquistadors lors des massacres en Amérique du Sud. Ce glaive dans la bouche du Christ est en fait un outil pour extirper le mal que l'on a en soi et non tuer les autres. Dans la Bible on trouve des violences et des incitations à la violence qui valent bien celles du Coran : les massacres d'Ephraïmites au bord du Jourdain, de nouveaux-nés en Egypte, etc.

L'Islam sait être, quand il est bien compris, une religion de paix, en voici l'illustration dans une école coranique en Afrique Equatoriale au début du XXè siècle :

Je ne suis pas sûr qu'on puisse entendre souvent ce discours dans nos mosquées aujourd'hui. 

Il faut aussi distinguer l'Islam chiite de l'Islam sunnite. Par son exigence d'application stricte de la charia ce dernier est intrinsèquement plus violent et radical. Enfin il faut lire ce livre du regretté Bruno Etienne, disparu il y a quelques années :