Cathares : idées reçues et mises au point

La mode cathare, l'exploitation touristique des cathares, conduisent à des excès notables. Comme me l'a fait remarquer H., on en est presque aux préservatifs cathares.

L'amplification majeure s'est faite à deux époques : au Moyen-âge et de nos jours.

De nos jours, pour une raison évidente : la propagande touristique. Elle est abusive dans l'usage de l'adjectif cathare, mais les sites valent le coup d'être vus même si les Cathares ne sont pas pour grand chose dans l'intérêt qu'ils présentent. J'ai passé en pays cathare une quinzaine éblouissante et il faut que j'y retourne pour visiter encore une demi-douzaine de sites. Je n'en ai vus que 19 en 15 jours.

Au Moyen-âge pour une autre raison évidente : il fallait amplifier le phénomène pour conduire les seigneurs et les souverains à s'engager dans une croisade. L'auraient-ils fait s'ils avaient su qu'à peine 5 à 8% de la population, même dans les bastions de l'hérésie, était convertie à la nouvelle religion? Ce pourcentage est monté à 10% à Béziers. Il n'y a jamais eu de ville, de village, de château, qui se soit voué en masse au catharisme. 5 à 8% de la la population, je répète.

L'Eglise en a fait une affaire de principe, conduite par Saint Dominique, avec comme bras armé Simon de Montfort qui n'avait d'autres objectifs que d'assouvir sa cruauté et ramasser des terres et des biens au passage, dont il redistribuera certains. Carcassonne et Mirepoix ne furent pas les moindres.

5 à 8% de la population, et ils n'ont jamais rien bâti ou construit.  Des cathares vivaient dans ces villes ou ces châteaux, ils ont été assiégés, combattus, brûlés même, mais pas de quoi qualifier ce château de "cathare".

Voilà pour l'exagération dans l'usage des termes.

Une autre exagération concerne leur doctrine. Certains vont y chercher des sommets d'esotérisme, en fait on trouve quelque chose de semblable aux démarches des sectes d'aujourd'hui. Il y a même beaucoup d'apparentements avec les Témoins de Jéhovah, pas seulement parce que les cathares prêchaient par deux eux-aussi. L'apparentement principal vient de la façon de tordre le sens des textes sacrés en les traduisant "à la mode de chez eux". Ils rejettent l'Ancien Testament, et privilégient l'Evangile de Jean et les Epitres de Paul.

Dans le Prologue de Jean, la phrase "nihil sine ipso factum est" veut dire "Rien n'a été fait sans Lui". Les Cathares traduisent : "Le rien a été fait sans Lui", "rien" étant le néant, le mal. Le monde est donc bipolaire le Bien immatériel dans le ciel, le mal matériel sur terre. Jésus ne peut pas s'être incarné, car il ne peut pas revêtir une enveloppe qui est le mal. Il n'était qu'une apparence et n'a pas pu être crucifié.

Malgré les apparences, cette doctrine n'est pas un avatar du manichéisme, même si elle lui ressemble. D'abord il n'y a aucune filiation entre le manichéisme et le catharisme. Cette doctrine s'est construite "ex nihilo" sur une lecture différente de l'Evangile. Le manichéisme est né de la religion de Manès, en Perse. Dans sa version originelle le combat du Bien et du Mal se résolvait dans un retour à l'Unité, dans un cadre eschatologique, puis le manichéisme a perdu cette finalité unitaire et est alors devenu une véritable hérésie, aucune doctrine ne pouvant prétendre à l'orthodoxie si le dualisme ne peut pas se résoudre dans l'unité. Saint-Augustin lui même a été très proche du manichéisme.

Pourquoi le catharisme? Qui a-t'il touché? Dans la Chrétienté, la voie monastique est la seule à cette époque à être définie comme évangélique et apostolique. L'Eglise ne donne pas d'autre possibilité aux laïcs d'accéder à la sainteté qu'en renonçant à leurs biens, à leur situation. Or, ce qui change au moment où le catharisme émerge, c'est que l'accès à la connaissance, par le biais de l'écriture et de la lecture, commence à échapper au clergé qui en avait le monopole. Dans l'aristocratie les chapelains enseignent les enfants, l'économie s'assoit de plus en plus sur les écrits. IL y a une quête de sanctification qui ne veut pas passer par la vie monastique. C'est à cette attente que le catharisme répond. La nouvelle religion recrute dans la petite noblesse, chez les marchands, les métayers... La petite noblesse, affaiblie par le morcellement faute de droit d'aînesse, a été un bon terreau pour cette hérésie. Elle y a trouvé la reconnaissance que l'église lui refusait.

Il faudra deux siècles à l'Eglise pour "éradiquer" le mal. L'Inquisition a été beaucoup plus efficace que la croisade, car elle a choisi ses cibles, les a isolées avant de les détruire.

Toutes les librairies sont remplies d'ouvrages sur les Cathares. Vous avez neuf chance sur dix, en achetant au hasard, de tomber sur un florilège de sottises. Alors je vous conseille une petite monographie épatante :

Auteur : Jean-Louis Biget, professeur émérite à l'Ecole Normale Supérieure.

Titre : Les Cathares

Editeur : Jean-Paul Gisserot

Prix : 2,80€

Ne vous privez pas de cet opuscule bien documenté, avec de très jolies photos de tous les sites.

EN CONCLUSION : une hérésie très minoritaire, dotée d'une doctrine sectaire affligeante mais qui a fini d'une certaine façon par donner sens à toute une région.

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[mésange]

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