Le Roi de la jungle
Ce soir, en écoutant d'une oreille distraite "questions pour un champion" sur France 3, j'ai entendu la question du jour de leur jeu à la con. Le genre : avec quoi enfonce-t'on un clou, un marteau ou un rideau? Aujourd'hui la question était : quel est le roi de la jungle, le lion ou l'ours?
Cette connerie dégouline depuis le dessin animé de Walt Disney sur le Roi lion. Il n'y a jamais eu de lion dans la jungle. Il ne peut pas être le roi d'une région où il n'a jamais existé. La jungle est un ensemble de forêts chaudes et humides de l'extrême orient, plus spécifiquement en Inde. Le roi de la jungle est le tigre. Le tigre et le lion ne se sont jamais rencontrés ailleurs que dans les zoos ou les cirques. Dans son Livre de la Jungle, Kipling cite beaucoup d'animaux, il n'y a pas de lion. Kipling connaît mieux son sujet que les scénaristes abêtis de Walt Disney, capables de mettre 50 apôtres dans un film sur l'Evangile parce que 12 ça fait un peu minable, ou que les rédacteurs des questions sur France 3 qui devraient mieux se former et moins regarder la télé.
Si cette question m'a interpellé, c'est qu'une comparaison Afrique/Asie par l'étude des animaux est très intéressante, et que les caractères propres du lion et du tigre peuvent s'appliquer aux populations humaines concernées. Voici ce que j'ai écrit il y a quelques années :
DES ANALOGIES GEOGRAPHIQUES peuvent être observées entre les peuples et les animaux. Prenons un exemple : l'Afrique et l'Asie. En Afrique, le plus représentatif des félins est le lion, en Asie c'est le tigre. Le lion est sexuellement identifiable même pour un observateur peu au fait de la zoologie, sa crinière impressionnante le distingue sans équivoque de la lionne, alors que le tigre et la tigresse n'ont pas de différence morphologique aussi nette, la femelle et le mâle sont malaisés à reconnaître s'ils ne sont pas en couple, le mâle est alors en général plus gros. Le lion vit « en famille » et n'est pas aussi solitaire que le tigre, sa supériorité dans le groupe est apparente, une étude attentive montre la place importante de la femelle, pas si soumise que cela. La rencontre et le combat de deux lions sont très spectaculaires, font beaucoup de bruit, mais peu de mal, c'est une démonstration rituelle de la force sans l'exercer vraiment, qui se termine par des égratignures, des poils arrachés, la soumission du vaincu qui cède sa place et ses femelles. La rencontre entre deux tigres fait le plus souvent deux morts, le vainqueur survit rarement à ses blessures. En Afrique on observe un affichage de la sexualité vécue comme une force, une différenciation importante des rôles respectifs du mâle et de la femelle, où la prééminence n'est pas aussi évidente que l'observation première le suggère. La violence est contenue dans la démonstration de la force et dans la menace. En Asie, beaucoup plus de violence vraie, moins d'artifice, plus de ruse et de cruauté, moins de démonstration de force, moins de poids de la sexualité. Les caractères observés sur les animaux semblent transposables à de nombreuses observations sur les peuples.