Au baiser du mitron
"Au baiser du mitron" est certainement une des toutes meilleures boulangeries de France. Jean-Claude au fournil et Lucette à la boutique ravissent par la qualité de leur pain toute la ville de Menton.
Vous n'y trouverez pas la bannette ou la baguette que vous achetez d'habitude. Il n'y a que les pains originaux inventés par Jean-Claude.
J'ai rencontré Jean-Claude dans le port de Menton il y a trois ans, lorsque j'ai acheté Elanaveva, qui appartenait à "Dédé", son meilleur ami, emporté par une leucémie juste après avoir signé l'acte de vente. Jean-Claude possédait le bateau amarré juste à côté, avec lequel il a déjà fait il y a une quinzaine d'années le parcours que je vais entreprendre.
Dédé disparu, c'est Jean-Claude qui m'a aidé à comprendre le bateau, à le mettre au net.
Et hier je suis parti bien avant l'aube à Menton pour que Jean-Claude m'apprenne à faire le pain à bord pendant la traversée. Il vient de fêter ses cinquante ans de métier depuis le début de son apprentissage.
Le fournil est situé dans une ruelle, non loin de la boulangerie.
Le four centenaire est celui où Pierre Poilane, le célèbre boulanger parisien, a appris son métier au début des années 40. P. Poilane est revenu à Menton peu avant sa mort retrouver ses racines et féliciter Jean-Claude pour la qualité de son travail. Il ne reste peut-être plus en France de four de ce type.
J'ai appris les secrets que je ne dois pas transmettre à qui que ce soit. J'ai pétri, trituré, scarifié. Et mes équipiers seront heureux à bord. Un bon pain, une bonne bouteille, une dorade coryphène pêchée à la traîne. Le secret d'une traversée heureuse.
La photo est un peu floue, sans doute l'émotion de contempler mon travail.
Ce qu'on appelle le baiser du mitron est la cicatrice que laisse la séparation des miches après cuisson, cicatrice en forme de lèvres, où les mitrons affamés prélevaient une parcelle de pain pour se nourrir un peu.