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oldgaffer
30 mars 2007

Carnet de campagne

Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager cet article de Philip Stephens.

François Bayrou ou l'indécision française

(Paru dans le Financial time)

 

Avec humour, l'auteur raconte comment François Bayrou pourrait devenir président... si les Français ont peur du changement. Même si la seule solution qui vaille, selon lui, s'appelle Nicolas Sarkozy. Il faut savoir reconnaître ses torts.

 

Il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion d'interroger l'un des trois grands candidats à l'élection présidentielle française et je l'ai manquée. En tout honnêteté, c'est même pire : je n'étais presque pas là !

C'était à l'occasion d'un assez grand dîner, à Versailles. L'orateur du soir se tenait sur une petite estrade. A la moitié de son discours, je me suis réveillé en sursaut. Il me semblait que je ne m'étais assoupi que quelques secondes, mais en rouvrant les yeux je sentis le rouge me monter au visage. Je jetai un œil autour de moi, confus. L'assistance était parfaitement calme. Je n'étais pas le seul à piquer du nez.

Je rejetai la cause de mon impolitesse sur le dîner et le vin – tous les deux excellents, naturellement – ainsi que sur la fatigue d'un pénible Londres-Paris. Mais, pour dire toute la vérité, l'orateur de ce soir-là – en dépit de toutes ses qualités – n'était pas précisément un grand tribun. J'étais également assez imperméable à l'exposé d'un projet politique promettant une continuité de la politique fiscale, le fédéralisme européen et une réforme radicale des institutions de la Vème République.

Et, à cet instant-là, rares étaient ceux dans la salle qui imaginaient que l'hétérodoxe François Bayrou, leader de la petite UDF, était sur le point de créer la surprise dans la campagne présidentielle.

Il n'est pas exclu – même si les sondages indiquent que c'est peu probable – que François Bayrou devienne au mois de mai le nouveau locataire de l'Elysée. Le candidat du centre arrive en troisième position, derrière Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Mais l'écart est à ce point ténu entre les trois candidats qu'il n'est pas entièrement impossible que Bayrou passe le premier tour et soit finalement élu.

Cela étant dit, la percée de Bayrou reflète parfaitement l'ambivalence torturée des Français. Les deux principaux candidats appellent à un changement, Sarkozy d'une façon plus convaincante que Ségolène Royal. C'est ce que les électeurs disent vouloir. Un récent sondage montrait que plus de la moitié des Français pensent que leur pays est en déclin. Mais la France a également peur du changement. Le point fort de Bayrou est de n'être ni Sarkozy ni Royal.

En début de semaine, un ami français, fin observateur de la vie politique française, se disait indécis, comme près de 40 % de l'électorat français. Il pourrait voter pour Bayrou. Pourquoi ? Il était clair que Ségolène Royal n'avait pas les compétences, et il paraissait évident que Sarkozy était le mieux qualifié. Mais il y avait quelque chose d'irritant – son populisme ? son franc-parler affiché ? – chez le candidat hyperactif. Dès lors, mon ami craignait autant de voir Sarkozy gagner que de le voir perdre. La remarque de lord Salisbury, Premier ministre de la reine Victoria, me revint à l'esprit : Changer ? Pour quoi faire ? Les choses vont assez mal comme ça...

Pourtant, cette ambivalence s'explique. Une majorité de Français ont maintenu un certain confort économique et culturel dans cette période de déclin relatif. Même un libéral anglo-saxon reconnaîtra que les facteurs d'inertie de la France – l'intransigeance dans le domaine public, la splendeur de la ruralité, la prospérité du petit commerce – font aussi son attrait.

Néanmoins, le reste du monde a déjà plus ou moins son opinion. A ma connaissance, aucun responsable politique de part et d'autre de l'Atlantique ne s'est prononcé en faveur de Royal ou de Bayrou. Il est généralement admis que Sarkozy serait un bon choix pour la France et surtout pour le reste du monde.

Certains observateurs ont en tête la vision, exagérée selon mes amis français, d'un Sarkozy acquis à l'économie de marché libérale. C'est peut-être vrai. Mais l'idée est surtout qu'un président français de droite pourrait relancer la réforme des économies européennes. Et, si l'Europe a besoin de quelque chose, c'est bien de renouer avec une croissance soutenue.

Finalement, et je pense que c'est le plus important, Sarkozy apparaît comme l'homme du renouveau des relations transatlantiques. J'ai entendu certains diplomates européens dire qu'un rapprochement entre Paris et Washington rendrait les choses plus faciles. Angela Merkel serait plus à l'aise dans le couple franco-allemand, les relations avec le Royaume-Uni seraient moins tendues et la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN en seraient facilitées.

Tout cela paraît bien ambitieux. Le libéralisme de Sarkozy a ses limites et, s'il est incontestablement plus proche de Washington que Jacques Chirac, il n'en est pas non plus à tomber dans les bras de Bush. Quant à la Constitution européenne, a-t-on pensé à interroger à ce propos l'eurosceptique Gordon Brown, futur Premier ministre britannique ?

Une chose est sûre, pourtant : les enjeux de cette élection dépassent les frontières de la France. Ségolène Royal, avec sa culture de droite et sa politique économique de gauche, est un mystère. La promesse de Sarkozy de réveiller la France est un coup de dés. Et Bayrou ? Je crains qu'il ne nous endorme tous.
 

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