La mort de Maman

J'ai parlé ici à plusieurs reprises de ma mère. Elle s'est éteinte dans son sommeil la nuit dernière. Elle a du oublier de respirer. La mémoire c'était son point faible ces derniers temps.

Cet humour peut sembler déplacé. Il l'est peut-être. Mais il est aussi une sorte de remède.

Cette fin était tant dans l'ordre des choses que je suis à la fois serein de la voir ainsi rappelée à Dieu et encore sous le choc de l'avoir vue inerte, mais si paisible. J'ai dit ici-même il y a quelques mois comment elle me faisait penser à une chandelle dont la flamme vacille et va bientôt s'éteindre faute de combustible, comment la vie se retirait du corps pour se concentrer dans les yeux.

J'ai conscience que la mort de ma mère n'intéresse pas vraiment les lecteurs de ce blog. Mais c'est ma mère, et c'est mon blog.

Elle s'appelait Laure. Fille et petite-fille d'officiers de marine. Après hypokhâgne et khâgne, elle avait fait du droit et avait terminé ses études d'avocate. Elle n'a jamais plaidé, ayant renoncé à exercer son métier pour suivre mon père (c'était l'usage en ce temps-là), qui a fait une brillante carrière comme ingénieur du génie rural des eaux et des forêts, qu'il a terminée comme ingénieur général à la Réunion après avoir été directeur départemental de l'agriculture du Lot puis de l'Hérault. Il faut dire que mon arrivée en ce monde a aussi contrarié les projets professionnels de ma mère.

Elle était lion ascendant lion. Et de nature à faire croire à l'astrologie car elle portait bien ce double signe dans tout son éclat.

Un souvenir me revient à l'esprit aujourd'hui. Lorsque j'ai montré à ma mère ce que j'avais fait à l'épreuve de version grecque de la première partie du baccalauréat, en fin de première, elle s'est contentée de lire en parallèle, sans dictionnaire, le texte grec et ma version. Elle m'a dit "- Je ne te donne pas plus de 4/20" J'ai eu 5. Heureusement les autres matières m'ont permis de réussir cet examen.

Je l'ai vue souvent prendre un livre avant de se coucher, elle me disait : "- Aujourd'hui je n'ai rien appris de nouveau. Je ne peux pas me coucher sans avoir appris quelque chose." Et chaque jour, pendant des décennies, il fallait qu'elle ait appris quelque chose de nouveau pour pouvoir aller dormir.

Son grand regret était qu'en tant que femme elle n'avait pas pu prétendre aux deux destins entre lesquels elle aurait hésité si elle avait eu le choix : officier de marine ou prêtre.

Je sais qu'elle a enfin trouvé la paix que la maladie lui avait interdite ces quatre dernières années.

Comments

[Nadine]

Et une étoile de plus qui brille dans le ciel...
Seul endroit ou il y a de la place pour tous le monde.

[daniel]

Mon cher Claude
Effectivement comme tu l’écris « c’est l’ordre naturel des choses ».
Une maman qu’elle fut brillante ou anonyme parmi les anonymes, ce qu’il subsiste au final dans notre cœur c’est l’amour pour les siens qu’elle a placé au dessus de ce que les hommes désignent comme leur réussite sociale. A la mort cette réussite est vite dilapidée mais l’amour de Maman demeure éternel dans nos cœurs.

Je t’embrasse ainsi que les tiens

Daniel