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oldgaffer
6 septembre 2006

Le nouveau révisionnisme (suite)

En novembre dernier, j'avais commenté (voir mon billet "le nouveau révisionnisme" dans les archives de novembre 2005) la loi sur les bienfaits de la colonisation, disant que ce n'était pas au législateur de dire comment on devait penser. Aujourd'hui, après le législateur, c'est le dictionnaire Robert qui est attaqué parce que, dans les nombreuses définitions du mot "colonisation", figure l'expression "mise en valeur".

Alors là, je trouve qu'on pousse le bouchon un peu loin, sur le fond et dans la forme.

Il est quand même absurde de nier qu'il y ait eu des aspects positifs de certaines colonisations. Les colons juifs après la création d'Israël ont mis en valeur des terres arides, c'était une forme de colonisation avec des aspects négatifs certes - l'occupation de la terre d'autrui - mais positifs aussi, avec cette fertilisation d'un désert.

Vouloir à tout prix que l'on ne parle de la colonisation qu'en termes noirs (au sens de "péjoratif", rien à voir avec la race noire) et négatifs est une faute intellectuelle, qui s'inscrit dans le processus de "la pensée unique". Nous n'aurions pas le droit de dire ni même de penser qu'il y a eu ne serait-ce que des effets collatéraux positifs ?

J'en ai pourtant plusieurs exemples. Hamadou Hampâté Bâ n'aurait pas été le grand philosophe reconnu mondialement qu'il est devenu sans l'Afrique Equatoriale Française. Son oeuvre admirable (il est pour moi un des deux plus grands penseurs du XXè siècle), révélée par Théodore Monod, est d'une richesse spirituelle monumentale. Si je parle ici de cet auteur, c'est parce que justement les deux premiers tomes de ses mémoires sont le meilleur témoignage sur ce qu'a été la colonisation en Afrique noire.

Si, au delà des diktats intellectuels et vertueux de néo-censeurs patentés, vous voulez vraiment savoir ce qu'a été la colonisation française dans la grande boucle du Niger au Mali, du côté de Bandiagara, lisez "Amkoulel l'enfant Peul" et "Oui mon commandant!". La colonisation vue par un intellectuel noir, soufi, qui n'est pas suspect d'une opinion partisane. Il montre, simplement en racontant, sans expliquer ni délivrer de message, comment les colons français sont passés à côté d'une élite intellectuelle noire sans la détecter ni soupçonner le moins du monde son existence, comment cette élite était transcendante par rapport à la mentalité "sous-off' de base" des colons, mais aussi comment, grâce à cette colonisation, grâce à certains blancs qui ont su les les reconnaître et les faire connaître, il ont pu étendre leur aura à la face du monde. Oui, la colonisation a eu pour effet de faire mourir des centaines de noirs à Verdun ou sur la Marne où il n'avaient rien à faire, la chair à canon, c'est vrai, mais il sert à rien de vouloir réduire la colonisation à ses effets destructeurs.

Qu'on ne se méprenne pas. Je ne dis pas que la colonisation c'est bien ou c'est mal. Simplement, on ne peut pas dire globalement que c'est entièrement mal.

Un des grands péchés intellectuels de notre époque est de juger une autre époque en fonction des critères de notre temps. Il faut toujours savoir mettre les yeux du temps qu'on regarde. Autrement on dit les pires stupidités, comme on le fait par exemple sur le Moyen-âge ou les pyramides d'Egypte, même dans les hautes sphères universitaires. Le procès que l'on fait à Bonaparte sur l'esclavage n'a pas lieu d'être, car la pensée de l'époque ne pouvait pas être comme la nôtre.

Que l'on se souvienne de la controverse de Valladolid, au XVIè siècle, où un clerc courageux a défendu les amérindiens contre les conquistadors et inquisiteurs européens. Pour finir il leur a recommandé de prendre plutôt des nègres d'Afrique comme esclaves que des indigènes d'Amérique du sud. Cela sonne aujourd'hui comme une énormité. C'en est une. Mais que ce genre d'énormité ait résonné dans la bouche d'un religieux qui avait par ailleurs tout d'un saint homme doit faire réfléchir sur la façon d'aborder l'histoire autrement qu'avec les yeux d'aujourd'hui.

L'intellectuel noir indigné que j'ai entendu hier soir sur les étranges lucarnes dit qu'il faudrait qu'une commission se réunisse pour donner la définition correcte du mot avant la publication du dictionnaire. Non mais, vous voyez un éditeur et des auteurs de dictionnaire demander une commission pour chaque mot pouvant poser problème? Il doit y en avoir un certain nombre! C'est ahurissant que l'on puisse proférer des conneries de cet acabit.

Je dis non, vigoureusement non, avec la plus vive indignation, à ce mauvais penchant bien dans la ligne de la doctrine de gauche de vouloir réglementer la pensée, notamment par la censure des dictionnaires.

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